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Pollution, nous prendre pour des cons (2)

Après le 26 février 2025, date du plaider-coupable de Timac-Agro devant la juge de Saint-Malo, les adhérents de OSONS ! pensaient avoir un peu de répit.

Mais, 3 jours plus tard débutait une nouvelle pollution constituée d’un trop-plein de particules fines et d’ammoniac (mesuré depuis 2024) que nous avons décrit dans l’article précédent (ici). Nous ne doutons pas de l’origine de celle-ci et une nouvelle fois les conséquences sur la santé d’une population à laquelle est imposée une dégradation locale de la qualité de l’air, nous inquiètent et nous indignent.

Mais, cette indignation ne sert à rien si nous ne dénonçons pas ce qu’elle révèle du point de vue institutionnel et des conditions règlementaires anormales appliquées à Timac Agro.

Une évaluation des risques, risquée

Il faut se souvenir qu’en 2018, après des mesures des rejets d’ammoniac, le préfet d’Ille-et-Vilaine a décidé d’une mise en demeure de Timac-Agro, à l’issue de laquelle l’industriel devait respecter la règlementation.

L’importance de la pollution était telle que le préfet ne pouvait mettre fin à cette mise en demeure sans justifier de risques sanitaires quasi nuls pour la population. Pour cela, une étude intitulée « Évaluation des risques sanitaires liés aux émissions d’ammoniac » a constitué l’une des pièces essentielles des nouvelles autorisations qui ont permis à Timac-Agro de poursuivre son activité.

Nous avons contesté cette étude comme son utilisation par les autorités. Nous n’avons pas cessé de rappeler qu’elle ne prend pas en compte l’ensemble des risques liés aux activités de fabrication d’engrais. Qu’elle ne prend pas en compte les rejets diffus qui émanent des tonnes de produits stockés avant et après maturation. Qu’elle ne prend pas en compte les rejets dans l’eau, notamment les polluants comme le cadmium ou l’arsenic présents dans ses matières premières à Saint-Malo* alors que cela est fait dans les autres usines Timac-Agro ailleurs en France.

Nous en publions la synthèse de ce document (ici), puisqu’il s’agit d’un document cité par les arrêtés préfectoraux de 2021.

Des cartes pour se perdre

Cette « évaluation des risques sanitaires » est constituée de plusieurs parties, dont une étude de dispersion des rejets d’ammoniac dans Saint-Malo. Résumée par six cartes réalisées en 2019/2020. Les cartes « Rejet moyen », « Rejet maximal », « Rejet futur », montrent toutes que le cimetière de Rocabey, site de mesure d’Air Breizh, n’est pas susceptible de recevoir des rejets d’ammoniac provenant de Timac Agro.

La carte intitulée « Carte de dispersion d’ammoniac (NH3) — rejet futur — exposition journalière (µ/g m 3) » indique les secteurs de rejet maximal sur les places Bouvet et La Roulais à Saint-Servan.

Les experts se seraient-ils trompés ?

Étonnant et étrange, au regard du pic d’ammoniac et de particules fines observé au niveau du cimetière de Rocabey, au début du mois de mars 2025 et en particulier lorsque les vents provenaient du site Timac ZI.

Ce pic de début mars 2025, à cet endroit, était-il une exception ? D’après le Malouin·e·s, ce n’est pas une exception, mais ils et elles ne sont pas experts ou expertes !

Pour cette raison, nous avons recherché dans un document caché par la TIMAC depuis 2003, dont nous avons la copie grâce à l’expertise judiciaire. Il s’agit d’une étude sur les lichens qui sont des indicateurs biologiques de la qualité de l’air sur de longues périodes. Sans droit de publication, nous avons reproduit sa méthodologie et grâce à l’organisme Lichen GO (voir ici), 20 ans après, nous avons mené la même observation des lichens lors d’un atelier public de sciences participatives. Comme en 2003, nos observations montrent que les lichens qui ont pris place sur les arbres jouxtant le cimetière de Rocabey sont majoritairement des lichens appréciant une forte présence d’ammoniac.

CQFD, les observations de 2003 payées (et cachées) par Timac-Agro, les observations de 2023 réalisées par OSONS ! les mesures enregistrées par AIR Breizh en mars 2025 et surtout les observations des Malouins et Malouines depuis toutes ces années, attestent que les cartes éditées dans le cadre de « l’évaluation des risques sanitaires liés aux émissions d’ammoniac » sont inexactes.

Des chiffres pour se noyer.

Si les cartes sont fausses, que dire des chiffres ? Plusieurs tableaux indiquent des concentrations pour le scénario « rejets futurs », c’est-à-dire celui dans lequel nous sommes en 2025. Ces concentrations sont données pour le point le plus pénalisant, place Bouvet, Saint-Servan (en bleu sur le plan).

L’exposition maximum journalière liée aux rejets au point le plus pénalisant (place Bouvet Saint-Servan) est de 145 µ/g m 3, ce seuil a été atteint à Rocabey alors que les cartes de l’étude initiée par la Timac montraient que Rocabey n’était pas concerné par les rejets d’ammoniac.

L’exposition maximum horaire liée aux rejets au point le plus pénalisant était de 218 µ/g m 3, ce seuil a été largement dépassé à Rocabey.

Exposition journalière ou exposition horaire, les cartes de l’étude initiée par Timac-Agro montraient que Rocabey n’était pas concerné par les rejets d’ammoniac or, les prévisions pour le point le plus pénalisant sont dépassées. Ces résultats signifient ils que les concentrations atteintes au points les plus pénalisant, ou plus exactement aux points les plus pénalisés, sont démultipliés dans les mêmes proportions.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce qui a permis au préfet de délivrer les nouvelles règles d’exploitation à Timac-Agro en 2021, pas grand-chose, en tous les cas rien qui ne les justifie, c’est une faillite.

Nous disons depuis longtemps que mesurer l’ammoniac lors de la fabrication d’engrais minéraux est obligatoire, et que les dépassements de concentration sont autant de preuves d’absence de maîtrise de l’outil industriel ou d’actes volontaires, comme nous l’avons constaté au tribunal de Saint-Malo le 26 février 2025.

Nous disons qu’une évaluation sanitaire ne peut être confiée aux deux principaux responsables de l’activité industrielle, l’exploitant et le bureau d’études qui contribue au process et à la rédaction des demandes d’autorisation.

Mais nous disons également que ne pas effectuer les mesures des métaux lourds dans l’eau rejetée, alors que les matières premières en contiennent, ne pas les imposer alors qu’ils sont prévus par les règlements, c’est privé la population des moyens de protection et de réaction devant un risque plus grand encore.

Cette faillite va-t-elle conduire au réexamen des autorisations et, comme nous le demandons, à la surveillance des rejets de métaux dans l’eau comme le prévoit la règlementation ? Nous faudra-t-il dix ans de combat de plus ?

Rendez-vous prochainement pour

  • Le rapport d’expertise judiciaire (dans la presse et sur notre site) ;
  • La nouvelle autorisation du préfet pour le rejet des eaux pluviales de l’usine ZI, toujours sans mesures des métaux ;
  • Les 13 000 m² de stockage des matières premières Timac, non surveillés, que le préfet s’apprête à valider sur le port de Saint-Malo.
  • Le stockage d’acide sulfurique dans l’usine du port.
  • Les raisons pour lesquelles l’usine du port devrait être classée comme usine chimique (ce qu’elle n’est pas actuellement).

Pollution, nous prendre pour des cons

Ce vocabulaire n’est pas fréquent sur notre site, mais par moment il illustre si bien la réalité…

À Saint-Malo, nous prendre pour des cons en matière de la pollution émanant de Timac-Agro est une œuvre collective. Industriel, administrations de l’État, organisme divers, « commissions théodule », élus locaux de diverses étiquettes…

Tous s’y sont mis et comptent bien continuer, chacun à sa façon, mais leur jeu devient de plus en plus acrobatique.

Nous devions expliquer les résultats de l’expertise judiciaire de l’activité de Timac-Agro obtenue en 2020 par OSONS ! et douze plaignants. Nous devions également vous décrire l’audience du tribunal de Saint-Malo du 26 février dernier, lorsque pour la première fois Timac Agro a été contrainte de plaider coupable, reconnaissant le caractère volontaire des pollutions qu’elle a provoquées en 2019 et 2020.

Mais compte tenu de l’actualité de la pollution industrielle à Saint-Malo, nous donnons ici la priorité aux mesures de particules fines 2.5 et d’ammoniac du début du mois de mars et aux leçons qui peuvent en être tirées. Ces questions traitées en deux articles sous un même chapeau seront suivies d’une publication relative à une décision du préfet, toujours du mois de mars, sur laquelle nous rassemblons les éléments.

Le reste qui occupera le mois d’avril fera l’objet d’autres développements.

Nouveau pic de pollution malouin

Ce sont l’ammoniac et les particules fines , si généreusement partagés à Saint-Malo, qui nous intéressent une nouvelle fois. Du 3 au 7 mars 2025, un pic de pollution a été enregistré sur les capteurs d’Air-Breizh situés à Rocabey.

Dès 2015, des pics de pollution se déroulant en particulier la nuit nous ont été signalés par les Malouin·ne·s. En 2019, après le déploiement du réseau de capteurs Yadusmog* dans la ville, nous avons identifié des pics de particules PM2.5 qui correspondaient aux descriptions et alertes recueillies les années précédentes. Observés, en dehors des périodes de forte circulation ou de chauffage individuel et alors que la chaudière industrielle à bois de Timac Agro ne fonctionnait pas, il est devenu impossible de ne pas attribuer les pics de PM 2,5 à une source locale et industrielle. En réalité, personne n’en doutait, mais le silence était de règle et lorsque nous faisions cette remarque, les qualificatifs étaient variés, généralement peu aimables. Qu’importe puisque cela a conduit à compléter la panoplie des instruments de mesure du site de Rocabey.

Aujourd’hui, le résultat est édifiant. La station de mesure d’Air-Breizh peut enregistrer simultanément l’évolution du pic de particules PM 2.5 et celui du taux d’ammoniac dans l’air. Juste retour des choses, cette amélioration, qui devait en partie faire taire les râleurs, comme ceux d’OSONS ! ne déroge pas à la règle, chaque fois que la qualité de l’air est mesurée, l’épaisseur du mensonge autour des rejets industriels diminue.

Début mars, particules fines et ammoniac sont au rendez-vous

En matière de concentration de particules fines dans l’air, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé à 15 µg/m3 le seuil journalier de concentration de particules fines PM 2.5 à ne pas dépasser. Il a également fixé une tolérance de 3 à 4 jours de dépassement par an. Les relevés montrent que dès le 6 mars de l’année 2025, ils étaient « consommés » pour l’année.

Ce qui est nouveau, c’est que désormais, le taux de PM 2.5 est accompagné par la mesure de la concentration d’ammoniac dans l’air. La relation entre particules fines 2.5 et ammoniac est établie et consolidée par les scientifiques au point de considérer l’ammoniac comme l’un des précurseurs principaux des PM 2,5. Le phénomène est complexe (voir ici), la durée de vie de l’ammoniac, sous forme gazeuse, est de quelques heures à quelques jours. Il est très réactif et sa combinaison avec des acides dans l’air est rapide. Il ne semble donc pas surprenant qu’une source d’ammoniac locale ait un effet local et rapide sur la formation de particules fines, même s’il ne s’agit que d’une partie de l’ammoniac rejeté.

Trois jours après le début du pic de PM 2.5 la station de Rocabey enregistre une pollution supplémentaire. Entre le 4 mars et le 7 mars 2025, l’ammoniac irrigue fortement le quartier. Quant à la source, cinq années n’ont pas permis, à l’experte judiciaire, ou à Timac Agro, d’identifier sur le territoire une source, autre que l’industriel lui-même.

Du jour où l’État, sous la pression des associations, a imposé la mesure de l’ammoniac à la sortie des cheminées des usines de production d’engrais, les constats des rejets illégaux se sont succédé.

Quand la météo nous instruit.

Si l’épisode de PM 2.5 a débuté autour du 2 mars, il faut savoir qu’il s’est également produit à Rennes et Brest. Une fois encore, Saint-Malo s’est distingué par un pic plus fort et un palier haut plus long dans la nuit du 4 au 5 mars. C’est également la nuit du pic d’ammoniac. Le constat pourrait s’arrêter là et se conclure par cette phrase « un pic de pollution dans la nuit du 4 au 5 mars à Saint-Malo ».

Mais la météo nous instruit plus en détail.

Du 1er au 4 mars, la direction* constante du vent était Est-Nord-Est et Nord-Est. Dans cette configuration, le secteur sous le vent de l’usine de la zone industrielle est la Découverte et les quartiers voisins. Le 4 mars entre 22 h et 23 h, le vent bascule progressivement vers l’est, arrosant la gare, puis entre 23 h et 1 h le 5 mars, il se fixe au Sud-sud-est et au Sud-est, dirigeant les rejets de la zone industrielle vers le site de mesure de Rocabey.

Carte établie avec les données du site
https://www.meteoart.com/europe /france/brittany/dinard?page=past-weather#day=4&month=3

L’effet est immédiat, la concentration d’ammoniac mesurée dans l’air sur le site de Rocabey monte en flèche, elle est multipliée par 100 et passe de 2 µg/m3 (bruit de fond) à 200 µg/m3 en deux heures pour atteindre 350 µg/m3 au cours de la nuit suivante du 5 au 6 mars. Léger,  rejeté en hauteur, l’ammoniac, très sensible au vent, se répand dans Saint-Malo suivant sa direction et sa force.

Après le constat, les questions

Que représente la mesure sur le site de Rocabey par rapport aux autres quartiers ?

Avant le 4 mars à 23 h, le vent était au Nord-Est et arrosait la Découverte et les quartiers voisins. Il n’y a aucune raison pour que l’ammoniac prenne une autre direction. Mais aucune mesure n’existe pour ces quartiers densément peuplés.

Quel est l’impact de la distance sur la concentration d’ammoniac dans l’air ?

Le cimetière de Rocabey est situé à 1,65 km des cheminées de l’usine Timac Agro de la zone industrielle, l’école de la Découverte et le centre du quartier des Cottages sont situés à 800 m.

En 2019, le réseau Yadusmog dont certains capteurs étaient plus proches des usines Timac Agro avait montré des pics et des concentrations, de PM 2,5 et de PM 10, plus importants sur des durées plus longues que les mesures réalisées dans le cimetière de Rocabey par la station d’Air-Breizh. Aujourd’hui, ces observations semblent illustrer un impact proportionnel ou du moins relatif à la proximité ou à l’éloignement des sites Timac.

Ceci est également confirmé par une étude de 2003 réalisée par Timac Agro (étude cachée et révélée par l’expertise judiciaire) ce n’est qu’à partir de 1 km de distance des usines que la qualité de l’air s’améliore.

Figure I.3.  Dépôts moyens annuels d’ammoniac à proximité d’un bâtiment d’élevage émettant 4800 kg N-NH3 an -1. Les dépôts sont calculés avec le modèle LADD (Hill, 1997), et sont basés sur de statistiques annuelles de direction et vitesse de vent et de classes de stabilité estimées avec des données mesurées sur une station micrométéorologique proche du site. Adapté de Fowler et al. (1998).

Par ailleurs, différentes études déjà anciennes mettent en évidence l’influence des vents dominants et de la dispersion de l’ammoniac. Certaines sont reprises dans une thèse de doctorat de l’INRA et de l’université Paul Sabatier de Toulouse (*) d’où la figure ci-jointe est extraite.

La distance de dispersion d’une partie de l’ammoniac est faible, cet exemple montre une charge annuelle très dépendante de la distance autour d’une ferme (100 m) Figure I.3. Qu’en est-il à partir d’une cheminée de plus de 20 m ?

C’est également dans ce sens que peut être interprétée l’étude des concentrations d’ammoniac réalisées à Saint-Malo de mai 2020 à novembre 2021 par Air Breizh (Figure 17). Elle indique (p 22) le fait que « Pour la majorité des séries, les concentrations mesurées au point de prélèvement ZI sont les plus fortes. », et ajoute « La station de fond périurbaine Rocabey n’est pas toujours le point présentant les plus faibles concentrations, mais les niveaux sont plus proches de celles rencontrées au point CCI qu’au point ZI. »

En termes plus directs, Rocabey n’est pas le point le plus représentatif. La concentration d’ammoniac dans la zone industrielle est plus élevée, ce qui doit être le cas dans les secteurs les plus proches des usines Timac-Agro également.

De plus, nous maintenons ce que nous avons déjà écrit sur l’influence des dégagements d’ammoniac non canalisés provenant des produits entreposés, en cours de maturation ou après. Les dégagements diffus d’ammoniac à partir de centaines de tonnes d’engrais ne sont jamais pris en compte, mais ils peuvent impacter les secteurs proches. C’est ce qu’a montré le capteur installé en 2020 devant l’usine de la zone industrielle. Trop proche de l’usine pour être arrosé par les cheminées, il indiquait les taux d’ammoniac et les pics parmi les plus forts de Bretagne.

Cette étude de 2021 a permis de mettre en évidence que lors des pics d’ammoniac supérieurs à 15 µg/m3 la mesure réalisée sur le site de Rocabey était très faible par rapport à la mesure réalisée dans la zone industrielle.

En 2025, dans la nuit du 5 au 6 mars, la concentration d’ammoniac dans l’air de Rocabey était, malgré la distance, au minimum 40 fois supérieure au pic enregistré en 2020 sur la zone industrielle (Figure 17) (la série 4 de 2020).

Par ailleurs, la distance entre la station de mesures de Rocabey et l’usine est le double de celle séparant celle-ci de l’école de la Découverte ou le centre du quartier des Cottages. Le seuil de 500 µg/m3 est-il dépassé régulièrement dans ces quartiers ? Pour rappel, il suffit de subir plus de 15 jours dans l’année une concentration de 500 µg/m3 dans l’air pour développer les symptômes d’une exposition sub-chronique (de 15 à 364 jours dans l’année ).

Quelle est la valeur de l’étude sanitaire valorisée par le préfet en 2021 ?

Une étude de produite pour Timac-Agro a été reprise comme une référence par le préfet pour lui donner de nouvelles autorisations d’exploiter en 2021. Elle indique que Rocabey n’est pas susceptible de recevoir de l’ammoniac rejeté par les usines et que « l’émergence de concentration liée aux rejets (d’ammoniac) au point le plus pénalisant (valeur maximale) pour une exposition horaire serait de 220 µg/m3. »

La réponse fera l’objet de la prochaine publication.

Poussière jaune, l’analyse est faite !

Depuis des années, des malouins et malouines nous signalent que, parfois, ils trouvent une fine pellicule de poussière ( jaune / verte) sur leurs voitures ou leurs fenêtres à des moments où aucune arrivée de sable saharien ou autre phénomène n’est signalé par les organismes en charge de la surveillance de l’air.

Depuis longtemps à OSONS ! nous souhaitions connaître la composition de ces poussières.

Grâce à un signalement de dépôts localisés dans un secteur de la ville , nous en savons, désormais, un peu plus.  Ce secteur sous le vent, est situé entre 1 et 1,5 km des installations industrielles du port et de la Zone sud et à 25 m au-dessus. Ce secteur, nous le connaissons bien pour y avoir relevé les odeurs et installé une surveillance des particule fines entre 2016 et 2019. L’achat rapide de kits a permis le prélèvement et les analyses des poussières signalées. Réalisées par le laboratoire KUDZU, ces analyses donnent des résultats qui ne rassurent pas sur la qualité de ce que nous respirons.

La recherche de métaux lourds dans les poussières montre que celles-ci ne sont pas d’origine naturelle et les résultats fournis par Kudzu sur l’Arsenic et le Cadmium montrent que la population de Saint-Malo peut être exposée à des poussières très chargées en particulier par ces métaux.

Les résultats comparés aux prélèvements réalisés en France entre 2019 et 2021 sont inquiétants sur ces deux critères.

Sur l’arsenic : la poussière prélevée à Saint-Malo contenait de 10871 ng/g d’arsenic lorsque celle à laquelle est confrontée 90% de la population française contient 4507 ng/g d’Arsenic.

Sur le cadmium : la poussière prélevée à Saint-Malo contenait de 3768 ng/g de cadmium lorsque celle à laquelle est confrontée 90% de la population française contient 2032 ng/g de cadmium.

Pour résumer, les Malouins et les Malouines peuvent être confronté·e·s à des poussières contenant 241% d’arsenic et 185% de cadmium en plus que 90% de la population française.

(Les documents d’analyse du laboratoire KUDZU seront présents sur notre stand lors du village des associations le 7 septembre 2024)

Extrait des informations générales du rapport d’analyse (laboratoire Kudzu)

ARSENIC (As)

Utilisation industrielle :
Naturellement présent dans la nature, l’arsenic est généralement présent en faible quantité dans la nature. L’arsenic se retrouve dans le sol sous forme d’impuretés, d’ion absorbé ou de précipité. Les apports industriels et agricoles peuvent multiplier par 20 la quantité d’arsenic naturellement contenue dans les sols. On retrouve également de l’arsenic dans l’air, ceci étant do aux activités volcaniques. De plus, la pollution atmosphérique augmente avec l’activité des fonderies.
L’arsenic sert dans l’industrie du bois comme agent de conservation, dans les cosmétiques, dans les herbicides et les pesticides, dans la pigmentation de la peinture jaune et dans la composition de certains médicaments. ll sert aussi à durcir les métaux et à doper les semi-conducteurs, dans la fabrication de colles, pour la mort au rat et dans les cigarettes.
En dehors d’une exposition professionnelle, les principales sources d’exposition à l’arsenic sont la consommation d’eau contaminée avec cet élément et la consommation de crustacés et de fruits de mer.
Effets sanitaires et classification de toxicité :
L’arsenic est classé substance cancérigène avérée (Catégorie 1) par le Centre International de Recherche sur le Cancer.
L’exposition chronique à de faibles doses d’arsenic peut provoquer des problèmes de peau (hyperpigmentation, excroissances de peau… ), des atteintes au système nerveux périphérique : engourdissement des mains et des pieds pouvant aller jusqu’à des picotements intenses de ces membres, et des risques de cancers de la peau, de la vessie et des poumons.
L’arsenic est excrété principalement dans les urines dans les 24 à 48 h suivant l’exposition.

CADMIUM (Cd)

Utilisation industrielle :
Le cadmium est utilisé dans de nombreux produits de la vie courante notamment dans les accumulateurs électriques (Batteries Cd-Ni), les pigments pour les couleurs jaunes (peintures, matières plastiques… ), et comme stabilisant du plastique.
Effets sanitaires et classification de toxicité :
En dehors d’une exposition professionnelle, l’ingestion est la principale voie d’exposition au cadmium (eau et alimentation, notamment le poisson). Les personnes exposées à la fumée de tabac (fumeurs actifs et passifs) ont généralement dans l’organisme des concentrations de cadmium plus élevées.
Le cadmium et ses dérivés sont classés comme cancérigènes avérés pour l’homme, (Groupe 1) par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Lorsqu’il est inhalé, il peut causer des lésions au niveau des poumons. ll cible principalement les reins et peut provoquer des troubles rénaux. Le cadmium est un élément divalent et l’ion cadmium (Cd2+) peut se substituer au calcium (Ca2+) dans les os, modifiant notamment leur densité et leur résistance.
Le cadmium s’accumule dans les organismes (foie et reins) et s’élimine très lentement : diminution de 50 % des quantités dans l’organisme en 10 à 20 ans. Il est excrété essentiellement par voie urinaire.

Altimétrie des prélèvement dans Saint-Malo (25m)

Osons faire le point

En juillet 2020, 12 plaignant·e·s et OSONS ! obtiennent de la juge de Saint-Malo, la réalisation d’une expertise judiciaire de l’activité de TIMAC AGRO. Depuis, nous sommes attentifs à ne pas troubler cette expertise. Pour autant,nous continuons à être vigilant·e·s sur la pollution de l’air et de l’eau, c’est pour cela que nous avons saisi le tribunal administratif contre les autorisations d’exploiter données par le préfet d’Ille-et-Vilaine à Timac Agro, en mai 2021. Durant cette période nous avons construit des liens avec les associations qui se battent contre la pollution des usines Timac, présentes également à Rochefort et Bayonne, du travail de fond en quelque sorte.

En revanche, depuis la fin de l’année 2022, nous assistons à la multiplication des études, des articles de journaux, des réunions institutionnelles qui se suivent et se contredisent dans les détails, mais se rejoignent sur l’essentiel, le flou et l’approximation.

Cette profusion n’a précédemment existé qu’au printemps 2018, au moment où il fallait taire la première sanction du préfet d’Ille-et-Vilaine contre la Timac alors en préparation et effective fin juillet 2018. À l’époque, l’opération a été réussie et ce n’est qu’un an plus tard, durant l’été 2019, que les associations ont eu connaissance des dégagements illégaux d’ammoniac des usines de TIMAC AGRO, jusque 15 fois plus que la norme.

Une expertise qui dure, sur laquelle les Malouin·e·s nous demandent des informations. Des autorités qui clament la pureté de l’air pendant que des médecins disent le contraire., il était temps pour OSONS! de faire une réunion publique d’information. Nous vous donnons rendez-vous le 13 avril, à 20 heures, espace Bouvet à Saint-Servan (à côté du théâtre).

Banc public n°5 : Un dossier consacré aux “bombes chimiques” du Pays de Saint-Malo

Banc public n°5 : Un dossier consacré aux “bombes chimiques” du Pays de Saint-Malo

BANC PUBLIC, le trimestriel du Pays de Saint-Malo, consacre le dossier de son 5ième numéro aux « bombes chimiques » que constituent le port de Saint-Malo et l’étang de Sainte Suzanne. On y apprend que les médecins malouins entrent dans le débat et souhaitent l’élargissement du champ de l’expertise au domaine de la santé . ☞ https://www.bpublic.fr/

Lettre ouverte à propos des études sur l’ammoniac et leur publicité

Lettre ouverte à propos des études sur l’ammoniac et leur publicité

Vert de Rage France TV

Cette lettre ouverte a été communiquée il y a une dizaine de jours aux journaux locaux sans résultat pour deux d’entre eux. C’est un choix éditorial qui ne laisse pas de place à ceux qui ont saisi la justice pour un vrai bilan des activités provocant les rejets polluants à Saint-Malo. Seul le Pays Malouin a publié une partie de notre texte, mais rompant avec la tradition des lettres ouvertes auxquelles il peut être fait une réponse, le choix a été d’y intégrer les conclusions d’Air-Breizh.

Le 2 juillet 2020, beaucoup d’entre nous ont espéré qu’il y aurait un avant et un après. L’avant était constitué d’informations régulières sur les investissements de la Timac pour améliorer sa fabrication et son panache de ‘vapeur d’eau’ (améliorée à l’ammoniac…) . L’après y ressemble beaucoup, avec son cortège de travaux et son absence d’ammoniac. Peu importe qu’une expertise judiciaire soit en cours depuis ce 2 juillet 2020, la communication varie peu. Quelques jours après le magazine « vert de rage » sur les engrais phosphatés, diffusé sur France 5, c’est une étude qui semble moins polémique qui est mise en avant.

Il s’agit d’une étude sur l’ammoniac en Bretagne publiée par Air-Breizh. « Ça va mieux ! » le message est simple, prudent et parfait, puisque confirmé par une partie des associations. Mais qui a consulté sérieusement cette étude ?

Air-Breizh, un organisme connu à Saint-Malo.
(constitution d'Air-Breizh à comparer avec  la commission Timac )

En juin 2018 à l’occasion d’une première étude, la caution scientifique d’Air-Breizh a permis aux élus, et autres, d’affirmer qu’à Saint-Malo tout allait bien. Un an plus tard, nous apprenions que tout ce joli monde mentait ou n’était pas informé. Le préfet et ses services savaient depuis le début 2018 que les rejets d’ammoniac de la Timac étaient considérables. Étrangement, alors qu’Air-Breizh faisait ses relevés au plus fort des rejets d’ammoniac, rien dans son étude, pas même une réserve inspirée par l’un de ses membres et financeurs (ADEME, ARS, DREAL, Préfecture d’Ille et Vilaine, Agglomération de Saint-Malo, Timac Agro…) dont beaucoup étaient au courant. À l’époque, les relecteurs de l’étude, responsables de la Timac ont trouvé les conclusions parfaites. La prudence s’impose d’autant plus aujourd’hui.

Des choix techniques discutables.

L’étude d’Air-Breizh sur l’ammoniac (version de septembre 2021) comporte un certain nombre de choix techniques discutables.

Le choix des lieux de mesure., le cimetière de Rocabey, la CCI boulevard Louis-Martin et rue du Général Ferrié face à l’une des entrées de l’usine de la Z.I.

Depuis plusieurs années, un périmètre des retombées préférentielles des rejets d’ammoniac de l’usine du quai intérieur a été défini par les bureaux d’études de la Timac, ce travail est validé par les services de l’État. Il est également celui dans lequel le plus grand nombre d’alertes odeurs ont été collectées entre 2015 et 2018 par le réseau des nez d’OSONS ! Il s’agit du haut de Saint-Servan. Étonnamment aucun capteur n’y a été installé.

La conception des cheminées des installations classées. Leur hauteur est règlementée en fonction des gaz, de leur quantité, de la vitesse de sortie, le but est d’assurer une bonne diffusion dans l’atmosphère. En s’élevant suffisamment, les gaz volatils, comme l’ammoniac, retombent au-delà du kilomètre, dilués ou modifiés. Situé plus haut que les cheminées du port, Saint-Servan est particulièrement sensible, les gaz s’y déposent plus rapidement et plus concentrés. Étonnamment, les capteurs ont été installés aux points bas et proches des usines, à 250 mètres de la Timac de la zone industrielle et à 520 m de l’usine du port, avenue Louis-Martin. Les capteurs ont été installés sans prendre en compte les études existantes
ou les principes règlementaires concernant la hauteur des cheminées des installations classées
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Pourquoi des taux d’ammoniac plus fort à Saint-Malo ?  Les rejets d’ammoniac, par les cheminées, seraient de vingt à trente fois plus faibles qu’avant 2019. Mais malgré une implantation inadaptée, les capteurs malouins ont enregistré des taux et des pics d’ammoniac plus importants qu’ailleurs en Bretagne. La règlementation nous donne peut-être l’explication. Elle impose la surveillance des rejets diffus, ceux qui ne passent pas par les cheminées et s’échappent, par exemple, des stockages ou de la maturation des produits à l’air libre. Des riverains, des employés à proximité et des membres d’OSONS ! ont fait régulièrement le constat d’odeurs fortes alors qu’il n’y avait pas de fabrication ou de fumée. Les capteurs ont-ils mesuré des rejets d’ammoniac d’origine diffuse, attestant, sans le dire, la présence de sources non prises en compte?

Et les particules fines 2.5 ? Canalisé ou diffus, l’ammoniac se combine dans l’atmosphère avec d’autres gaz, produisant des particules fines secondaires 2.5. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, ce sont les particules les plus dangereuses pour l’organisme humain. L’ammoniac est responsable de 40 à 60% des particules fines secondaires d’un diamètre inférieur à 2.5µ. Les quantifier et les analyser est donc un bon moyen pour avoir une mesure de l’influence de l’ammoniac. Une nouvelle fois, les schémas présentés par Air-Breizh ne concernent que les particules plus grossières et peu significatives, les PM10. Ce choix technique n’est pas justifié dans l’étude et ne remplace pas une étude des particules fines 2.5 concernant la présence d’ammoniac dans l’atmosphère

En conclusion.

Les scientifiques font le choix des études, les journalistes le choix des informations. Les associations, lorsqu’elles font le choix du travail, examinent leur pertinence, la transparence de leurs objectifs, portent le regard critique nécessaire et surtout apprennent à repérer les silences (eau, diffus, métaux, odeurs, particules fines …)

Lettre ouverte adressée aux journaux Ouest-France, Le Télégramme, le Pays Malouin le 12 octobre 2021